ty segall
Three Bells
(26/01/2024)
Label : Drag City / Modulor
Dire que Ty Segall est prolifique est un euphémisme, depuis 2008 il est responsable d’une douzaine d’albums solo et on ne compte plus les projets parallèles, les collaborations. Ce disque s’inscrit dans la prolongation de « Manipulator » (2014) et « Freedom’s Goblin » (2018) deux doubles albums dont le concept est le cadavre exquis, soit l’association de toutes les idées qui traversent son esprit dans une mise en forme qui ne s’interdit rien. Alors bidouillage expérimental ou vrai génie, c’est ce que nous allons voir.
Le temps que Tool ou Massive Attack songent à écrire de nouveaux morceaux, Ty Seagall a déjà fait deux fois leur discographie, mais être pantagruélique n’est pas toujours gage de qualité ainsi on pourrait citer un « artiste » marseillais qui est en tête des charts français sans savoir conjuguer le moindre verbe du troisième groupe. Alors c’est vrai qu’il est dur de suivre un artiste qui nous assène autant de productions, tout simplement car il y a pléthore d’excellent musiciens et que se concentrer sur un seul est un peu frustrant. Mais là où le bonhomme excelle, c’est dans cette façon se se réinventer.
Le genre psychédélique rock est souvent un terme un peu fourre-tout pour ce qu’on ne peut pas vraiment définir, pour une musique qui tente des expérimentations tout en restant mélodique, sinon on utilisera le terme expérimental qui signifie que là on ne voit pas vraiment de structures. Mais il y a des artistes qui ont donné leurs lettres de noblesses au genre, et un des plus récent demeure Brian Jonestown Massacre, et la filiation est très logique. Tant par la créativité que par le risque, on peut faire le parallèle, même si leurs univers respectifs sont loin d’être balisés. Il y a néanmoins ce sens poussé de la mélodie, de ne pas rester sur une idée mais d’enrichir les chansons de touches aussi aventureuses que souvent géniales, et dès les premiers morceaux du disque, les excellents « The Bell » ou « Void » on voit que la frontière entre l’harmonie et la déstabilisation est ténue.
Pour ce nouvel opus, l’écriture s’est faite à la batterie et à la guitare, avec une composition poussée et une écriture basée sur un dialogue avec lui-même. Il y a ensuite eu l’apport des autres musiciens du Freedom Band, notamment Emmett Kelly à la basse et le travail de Cooper Crain, ayant déjà officié sur Hello, Hi et Harmonizer en tant que coproducteur. Le résultant est captivant, durant les quinze compositions s’étalant sur un peu plus d’une heure, on est à la fois transporté et surpris. Un des premiers grands disques de 2024 et sûrement pas le seul de l’artiste.