Avec la sortie de son premier album « Cathedrals », le groupe Matrass marque un tournant décisif dans sa carrière musicale. Nous avons rencontré Simon (guitare), Victor (guitare), et Clémentine (chant/saxophone) pour discuter de ce projet ambitieux, de leur processus créatif, des thèmes abordés et de l’évolution de leur son. Entre fierté, défis et inspirations, découvrez les coulisses de « Cathedrals » et les aspirations futures de ce talentueux groupe de la scène post-metal bordelaise.
Un premier album, c’est souvent un sentiment spécial, quel est le vôtre ?
Simon : Immense fierté après plus de 2 ans de travail d’avoir créé une entité originale, cohérente et qui nous ressemble.
Victor : C’est une très grande fierté également. Je suis très content de pouvoir enfin proposer ce que l’on fait actuellement, car il n’y avait que le dernier EP “Inner Wars” qui était disponible sur les plateformes de streaming. Pour nous, ce changement de direction artistique entre l’EP et l’album a été acté il y a presque 2 ans, il me tardait que les auditeurs puissent avoir dans les oreilles ce sur quoi nous étions en train de travailler pendant tout ce temps. Le public et les médias lui ont réservé un très bel accueil, j’en suis ravi aussi.
Pouvez-vous nous parler du processus de création de “Cathedrals” et des thèmes que vous avez explorés ?
Victor : Les morceaux, riffs, idées ont été composés depuis 2019 pour le plus ancien d’entre eux (« Appetite for Comfort »). 5 des morceaux de « Cathedrals » se sont fait à la maison dans mon home studio, les autres chez Simon. Je ne sais pas si c’est réellement un processus, mais des fois l’inspiration est là et tout fuse naturellement, pour le morceau « Cathedrals” notamment. D’autres fois, les choses sont moins évidentes, pour « Journey » par exemple. Des jours ou des semaines d’ajustement peuvent être nécessaires pour arriver à faire sonner le morceau, qu’il soit cohérent, qu’il ait une âme. On peut buter pendant un moment, se sentir au bout de ce qu’on peut proposer, mais rien ne vaut cette sensation d’évidence, après les dernières retouches, petits détails modifiés, lorsqu’on sait que le morceau est bon, c’est assez indescriptible.
Clémentine : Concernant les thématiques abordées, « Cathedrals », le titre éponyme, est finalement parmi les premiers ayant été composés. Ce titre parle du processus de reconquête de souvenirs oubliés, enfouis par l’inconscient pour permettre de surmonter les épreuves sur le moment. Regarder à l’intérieur de la cathédrale, c’est une métaphore pour illustrer le fait de réassocier des émotions nouvelles à ces souvenirs pour surmonter un trauma. Les autres titres, qui précèdent donc « Cathedrals », parlent du chemin pour y arriver : se jeter à l’eau sans filet pour sortir du domaine connu, se confronter au regard des autres sur soi et au sien, faire silence… Autant de thèmes qui me sont finalement assez personnels.
Concernant le processus créatif derrière votre musique, comment se déroule la composition au sein de Matrass ? Est-ce que chacun contribue de manière égale ou y a-t-il un membre qui se distingue en tant que principal compositeur ?
Simon: Sur l’EP précédent, « Inner Wars », la quasi-totalité des idées venaient à la base de Victor et les morceaux étaient arrangés tous ensemble en répétition.
Pour l’album, toutes les pré-productions des morceaux ont été composées en home studio par Victor et moi. Elles sont par la suite partagées pour avoir les retours des autres membres et sont finalement retravaillées avant d’être testées en répète, afin de voir si tout fonctionne. Baptiste et Corentin réarrangent et s’approprient leurs parties. Clémentine compose et teste ses lignes de chant et de sax à partir des premières versions des morceaux jusqu’aux versions “finales”.
“Cathedrals” semble marquer un tournant dans votre style musical.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette transition et comment les différentes étapes de votre parcours ont façonné le groupe que vous êtes aujourd’hui ?
Simon : Quand j’ai intégré le projet en 2016, l’esthétique du groupe était axée sur une dominance rock/metal fusion à la RATM et des éléments de stoner. Étant un immense fan de post rock/metal, j’ai disséminé quelques éléments de ces styles dans les morceaux. En ce concerne l’exploration dans les compositions, rien n’est proscrit, c’est pour ça que des morceaux “à part” comme « Soldier et The Tide » ont ouvert la porte à la nouvelle direction. Ça et l’arrivée de Clémentine et plus tard Baptiste, ont confirmé ce changement de direction vers quelque chose de plus lourd et atmosphérique.
Clémentine : À mon arrivée dans le groupe, il était manifeste qu’un style aérien, mais qui pouvait aussi être lourd à certains moments, convenait parfaitement à ma voix, compte tenu du fait que je ne suis pas une grande adepte du « groove », et compte tenu des sons de guitares distinctifs de Matrass. C’est dans cet album que notre émotion et nos préférences personnelles se sont vraiment matérialisées.
Clémentine, ta voix a manifestement gagné en technicité et en ampleur dans les compositions récentes de Matrass. Peux-tu nous parler de ton développement vocal et de la manière dont tu as travaillé pour intégrer ces nouvelles dimensions à la musique du groupe ?
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
Clémentine : Avec le virage que prenait « Cathedrals », c’était vraiment facile et inspirant pour moi de proposer des lignes beaucoup plus personnelles. Mes inspirations sont issues du post-hardcore avec des groupes comme La Dispute, qui est aussi une grande source d’inspiration pour moi pour les textes, mais surtout du jazz contemporain qui est le milieu dans lequel j’ai le plus évolué. Je n’ai pas forcément eu envie de combiner le metal avec le jazz, mais ça doit se ressentir dans les choix de mélodies !
J’ai toujours été attirée par les chanteurs très “vocaux” comme Einar Solberg (Leprous). Mais récemment, je trouve beaucoup d’inspiration grâce à des chanteuses qui proposent une approche moins “gutturale” du chant dans le metal, comme Camille Contreras depuis son arrivée dans Novelist, ou encore le chant dans gggolddd qui est presque plus inspiré de la trip-hop, un style qui a pas mal marqué ma culture musicale aussi.
Pour le côté travail, je suis très fan d’anatomie vocale (visionneuse de laryngoscopies en série), je pense que ça convenait bien à mon mode d’apprentissage de vraiment comprendre ce qui se passait physiquement dans le chant et en particulier le saturé. J’aime bosser des choses très variées, du souljazz aux comédies musicales, et je trouve que ça enrichit la texture vocale. Pour le prochain album, j’espère étendre encore plus la palette de sons, notamment sur toutes les techniques liées au “false chord” (n.d.l.r : une technique vocale utilisée principalement dans les styles de chant extrêmes, tels que le metal, le hardcore et d’autres genres musicaux agressifs).
Quelles ont été vos principales inspirations musicales pour “Cathedrals” ?
J’ai pour ma part ressenti des vibrations proches de Julie Christmas ou encore Spiritbox, ces artistes vous ont-ils inspiré ou marqué dans leur vision artistique ?
Simon : Forcément marqué par Julie Christmas avec l’album « Mariner » composé avec Cult of Luna! Pour « Reaching Heights », sur la fin en particulier, j’ai été inspiré par Bleed From Within et Landmvrks (des styles à priori bien différents du nôtre). Pour le reste, j’essaie de me laisser emporter par les idées sans trop penser à ce qui peut se faire ailleurs, même si on est forcément influencé indirectement par nos goûts musicaux.
Victor : Pas spécialement par les deux artistes cités au-dessus. J’écoute énormément de post metal, post rock, deathcore, hardcore, post hardcore, prog… Dans les “post-genres” j’apprécie beaucoup If these trees could talk, Awooga, Russians Circle… Mais aussi des choses plus violentes comme Periphery, Humanity’s Last Breath, Knocked Loose, Norma Jean…
Le guitariste Rabea Massaad est l’artiste/guitariste qui m’inspire le plus, tant dans le son, son touché, la construction de ses riffs, la diversité et la richesse de ce qu’il propose : c’est un monstre !
La vidéo de l’excellent titre « Cathedrals » vient de sortir, voulez-vous nous parler un peu de la réalisation du clip ?
Victor : Ça a été un tournage intense, pour ce qui était des plans du groupe ! Une grosse journée dans un local pro qui nous a été prêté par le père d’un pote. Nous avons refait confiance à Louis Hubert et Tom Dupeyron de Bout à Bout Prod qui ont bossé sur les 2 dernières lives sessions, à Sandy Wegfliegen pour le rétro-mapping qui avait déjà travaillé sur la lyrics vidéo de « Journey » et Oliver Henchley notre technicien lumière. Nous nous sommes beaucoup inspirés des clips de Humanity’s Last Breath et d’Untitled with Drums pour l’esthétique des plans que nous trouvons sublimes. Le morceau durant 7min50, il nous fallait diversifier les plans et ambiances. C’est là que l’idée de projection de vitraux sur nos visages est arrivée, comme celle du drone et des plans macros. Cela permet de matcher la dynamique du morceau entre moments aériens et plus incisifs. Les plans en ombre chinoise n’étaient pas prévus de base et c’est en voyant le set up qu’on s’est dit que c’était une bonne idée. Encore merci à toutes les équipes qui ont bossé sur ce projet.
Un petit mot sur votre label La Tangente ?
Clémentine : La Tangente est un label participatif auquel chaque groupe, artiste contribue. Un projet très intéressant et axé sur la solidarité entre les groupes de la scène locale qui continue à se développer aujourd’hui, avec la volonté d’accompagner les artistes à 360°. On a appris beaucoup collectivement grâce à la sortie de « Cathedrals », et on remercie encore une fois tous ceux qui nous ont accompagné de près ou de loin dans l’aventure.
Quels sont vos projets futurs après la sortie de l’album “Cathedrals” ?
Simon : World domination.
Clémentine : J’ai déjà hâte de l’album suivant. Évidemment, on a envie de jouer « Cathedrals » sur scène au maximum et partout, en festival, en co-plateau avec d’autres artistes qu’on aime… Et continuer à évoluer dans le chouette milieu du metal moderne.
Victor : Nous avons intégré depuis quelques mois Maximum Tour Music (booking, management) et beaucoup de choses se mettent en place grâce à eux. J’ai hâte qu’on puisse aller défendre cet album partout en France et en Europe le plus vite possible. Nous allons retravailler sur une vidéo bientôt également. Bien évidemment, un deuxième album, je ne sais pas encore la couleur qu’il aura, mais il se développera dans l’esthétique que nous avons mise en place dans « Cathedrals ».